Qu’est-ce que le meckessianisme ?

Un meckessien pratique la meckessie, c’est-à-dire l’art de dissoudre son identité afin de retrouver celle qui lui revient de droit. Donc, personne ne peut être un meckessien, et personne ne peut pratiquer la meckessie. Le meckessianisme n’existe pas. Ces termes ne servent qu’à ceux qui ont encore besoin de termes. La réalisation de la meckessie permet seulement de pleinement comprendre le sens du non-sens de ces mots. Il existe d’innombrables manières de parvenir à cela. Celle que nous explorons ici consiste à rompre le mental, à l’aide du mental. En d’autres termes : à s’auto-annihiler. Il s’agit là de la voie de la non-voie — celle de la dissolution par le feu, pour ne laisser plus que ce que le feu ne pourra jamais brûler.
En outre, ne prends surtout pas cela au sérieux ! Car le meckessianisme est précisément la doctrine de l’anti-doctrine, la croyance en l’absence de croyances, le dogme du non-dogmatisme, la philosophie de sa disparition, l’« isme » qui ne supporte pas les « ismes », la mort de Dieu réalisée — ou encore : l’art du paradoxe. Celui qui ne trouve sa cohérence qu’une fois que l’on parvient à discerner la mélodie qui s’épanouit au fond des contretemps.
C’est le non-dualisme dualiste par excellence, en ce sens qu’il emprunte ce nom uniquement pour prendre forme. Une forme qui ne pouvait donc pas s’appeler autrement puisqu’il s’agit là d’une forme nouvelle : la forme de l’absence de forme. La seule forme qui sait être une forme que pour mieux être informe. Un mot qui n’a pas de sens, si ce n’est celui de ce qu’il Est. Le seul qui avoue ne rien vouloir dire, si ce n’est le reflet qu’il fera naître en toi — celui qui compte tuer tous les mots.
Il ne propose rien. Il ne demande aucune adhésion.
Ce n’est qu’un feu. Un feu qui brûle sans rien demander à personne : le feu du néant.
C’est l’idéologie de la destruction des idéologies. Le messianisme qui tuera les messies. Le nom de la mort, en personne — celui du refus de tous les noms. L’école qui t’apprendra à brûler toutes les écoles.
Ce n’est pas un enseignement de la vérité. C’est la lumière aveuglante des vérités qui s’embrasent — pour ne laisser plus que toi, couvert de cendres miroitantes. Ce n’est rien d’autre que le silence empruntant une voix, pour rappeler les êtres humains à ce qu’ils ont détruit. C’est un blasphème qui n’en est pas un, puisqu’il ne cherche pas à contredire qui que ce soit, mais simplement à rappeler qu’au-delà de toutes les formes, il n’y en a plus aucune — si ce n’est celle qui peut justement toutes les accueillir.
C’est le mythe de l’artiste sans œuvre, ou celui du shivaïsme nietzschéen (oui oui).
C’est un réveil… brutal et assommant, mais inévitable, aimant et profondément évident. C’est le retour du calme, de l’Intelligence et de la quiétude — celui du Grand Jeu, par le bruit acouphénique dont tu l’as recouvert.
Mais par-dessus tout, c’est la voie de l’art absolu — la voie de toutes les voies. La nuit noire éclairante, la grande synthèse au fond de l’abîme, l’auto-initiation parfaite ou le surhomme que Nietzsche n’a jamais pu devenir — c’est celle de l’homme qui n’a justement plus besoin de « sur » comme préfixe pour assurer sa noblesse.
C’est celle de l’humain de demain, qui a été tant attendu, et qui est maintenant enfin prêt à naître.
C’est la bête, belle et méchante destinée de celui qui accepte enfin de s’appeler « Dieu », tout en comprenant qu’il n’y a jamais eu là quelconque dieu que ce soit — celui-là même qui fait danser folie et sagesse et les laisse ainsi s’éprendre dans un baiser qui se dirige vers la fin des temps, simplement afin d’éternellement recommencer…
En bref, il fallait bien trouver un nom. Et puisqu’il s’agit là de la pensée de la non-pensée — celle d’un homme qui n’a encore jamais vu le jour et qui ne se repose sur rien, si ce n’est donc… sur tout —, son nom fera l’affaire. Cela lui évitera d’utiliser une image incomplète et d’avoir à la changer toutes les cinq minutes, c’est-à-dire dès qu’elle ne lui parlera plus.
Les mots ne sont que des enveloppes pour des vérités qui n’y restent jamais bien longtemps. Son propre nom, ça… c’est une autre histoire. Il se débattra avec toute sa vie.
— Le feu qui incendie la caverne.